Célestin et Elise Freinet
Célestin Freinet (1896- 1966) est un pédagogue français, instituteur de l’Éducation nationale.
Gravement blessé au cours de ses premiers mois d’engagement au cours de la première guerre mondiale, cette expérience traumatisante l’a convaincu de développer une forme d’éducation et d’enseignement propre à développer l’esprit critique et la solidarité de ses bénéficiaires.
Avec son épouse, Élise Freinet, il a progressivement défini des pratiques émancipatrices dans le cadre de l’École publique et a été à l’initiative de la création de coopératives pour permettre aux éducateurs intéressés d’échanger des outils et des expériences pratiques.
Se reconnaissant dans un premier temps dans le courant de l’Éducation nouvelle, les Freinet ont tissé des liens constants avec les innovateurs et pédagogues de leur temps.
Il n’a toutefois jamais rencontré de son vivant, Janusz Korczak ou Paulo Freire avec lesquels il partageait, sans les connaître, de nombreux concepts communs : l’autogestion, le rôle du travail véritable et la conscience sociale.
A partir de « l’affaire de Vence », qui a valu au couple d’être mis à l’écart de l’Éducation nationale, les Freinet se sont consacrés au développement de leur propre mouvement, l’ICEM (Institut Coopératif de l’École Moderne) et ont défini leurs propres outils et pratiques, bien plus en lien avec les réalités économiques, sociales et culturelles des enfants et des familles.
Si le mouvement Freinet, reste encore à ce jour centré sur l’École, la Pédagogie employée vise à déscolariser cette institution et à mettre en œuvre des pratiques sociales, éducatives et culturelles particulièrement émancipatrices.
C’est en pleine conscience que Célestin Freinet définissait sa Pédagogie comme « sociale » ; les apports, l’expérience, les outils issus du mouvement Freinet constituent à ce jour une ressource essentielle pour la Pédagogie sociale.
Janusz Korczak
Janusz Korczak (1878 – 1942) de son vrai nom Henryk Goldszmit était médecin, écrivain, journaliste et pédagogue. C’est une figure capitale et attachante de la pédagogie : Korczak aimait les enfants simplement et seulement pour ce qu’ils étaient.
Il était sensible à tous les problèmes sociaux et les problématiques sociales qui traversaient la société et la vie des enfants et des adultes. Ce qu’il l’animait, ce qui le passionnait c’était le désir d’améliorer la réalité qui l’entourait.
C’est à travers de nombreux ouvrages (pour les enfants, pour les plus grands, pour les parents, pour les professionnels) que l’on découvre sa vie, sa personnalité, sa carrière de médecin, son programme social, son programme pédagogique, ses idées, ses opinions… Et c’est à travers son engagement dans les colonies de vacances, son travail dans les orphelinats qu’il a montré comment on pouvait le monde plus beau et meilleur. Korczak a condamné toutes les manifestations du mal, il a dénoncé la stupidité, l’injustice et l’ignorance.
« les enfants ne sont pas de futures personnes ;
ce sont déjà des personnes »
Ce qu’il désirait (et qu’il a tenté de mettre en œuvre dans ses multiples expériences) c’est l’amélioration des conditions de vie, le développement de l’hygiène, de la santé (surtout parmi les personnes les plus pauvres de la population), c’est de pouvoir réunir les conditions pour le développement physique, psychique et mental de l’enfant. Korczak défendait l’éducation pour tous, l’égalité en droit des femmes et des hommes. Korczak prenait soin et soutenait celles et ceux qui l’entouraient tous les jours, toutes les nuits.
La conception pédagogique de Korczak repose sur l’idée qu’il faut pleinement comprendre les enfants : « les enfants ne sont pas de futures personnes ; ce sont déjà des personnes ». Il faut respecter leurs sentiments, leurs pensées, leurs opinions. Pour lui, les enfants doivent bénéficier d’un climat stimulant dans un climat « comme en famille ». Les plus grands doivent pouvoir s’occuper des plus petits, chacun peut participer aux activités de la vie quotidienne, aux tâches ménagères. Selon Korczak, le principe d’autogestion est un élément essentiel de l’action pédagogique.
Janusz Korczak a consacré « toute une vie à faire sourire les enfants et à rendre les adultes meilleurs ».
Il y a tellement à retenir de l’œuvre de Janusz Korczak et de son action pour le monde d’aujourd’hui. Nous citerons, pèle mêle, le parlement et la république des enfants, le tribunal, la boite aux lettres… comme des outils, des techniques. Korczak plaçait l’écriture au centre de la relation avec et entre les enfants : il faut écrire et prendre le temps de réfléchir à ce que l’on veut faire. Korczak à travailler avec les enfants à l’apprentissage de la démocratie, à une lutte quotidienne contre les violences.
Pour terminer, il est important de mettre l’accent sur le travail autour et pour les droits de l’enfants. C’est Janusz Korczak qui réclame et demande le respect des enfants par les droits, les enfants ont des droits et nous les reconnaissons : droit à la santé, à l’éducation, à l’amour, au respect, le droit de se tromper et de ne pas savoir, le droit de protester contre une injustice, le droit de jouer, de rêver…
Inspiré par Janusz Korczak, nous réclamons de l’amour pour chacun d’entre nous et le respect de cet amour qui est la source de la confiance que l’on a pour nous et pour tous les autres.
Helena Radlinska
Helena Radlinska (Varsovie, 2 mai 1879- Lodz, 10 octobre 1954) est considérée comme une des plus grands scientifiques polonaise, en Sciences sociales.
Sociologue et Pédagogue de formation, nous lui devons la définition de la Pédagogie sociale, comme « action consciente visant à la transformation de la vie collective (…) et se réalisant dans un contexte social précis ».
Militante socialiste elle a également été résistante et patriote dans le but de réunir la Pologne, avant 1918 ; de sorte que son œuvre est indissociable de son engagement.
A la suite de son œuvre, la Pédagogie sociale est institutionnalisée en Pologne où elle est enseignée à l’Université et contribue à la formation tant des enseignants, que des travailleurs sociaux.
Son apport permet de concevoir l’action sociale et éducative, d’une manière globale et indépendamment des grandes institutions comme l’École.
Dans son œuvre, elle met l’action sur la nécessaire immersion du pédagogue social dans son milieu, la nécessaire connaissance qu’il doit avoir de son environnement et des circonstances sociales, politiques et économiques, qui influencent son activité.
Selon elle, les institutions ne constituent que des formes de réponses momentanées aux problèmes éducatifs et sociaux d’une période précise. C’est en ce sens qu’elle estime que la Pédagogie (sociale) doit prévaloir, comme action autonome, sur les programmes, projets et mot d’ordre institutionnels.
Cette conception d’institutions en perpétuelle transformation nécessaire, est illustrée par la formule qu’il convient de « détruire en construisant et construire en détruisant ».
Référence française : « Aux sources de la Pédagogie sociale », Helena Radlinska, édition annotée collective ( E. Cazottes, G. Chambat et L. Ott) , l’Harmattan 2013.
Paulo Freire
Paulo Freire est né au Brésil en 1921 dans une famille de classe moyenne. Il meurt le 2 mai 1997, quelques jours à peine après la publication de « Pédagogie de l’autonomie », œuvre incroyable qui devrait être lue et étudiée par tous les éducateurs, les enseignants, les travailleurs sociaux, les animateurs.
Paulo Freire s’inscrit dans le mouvement de l’éducation populaire, mais une éducation populaire politique, une éducation populaire libératrice et émancipatrice.
Paulo Freire fréquentera le milieu des syndicats, l’université, les bidonvilles, les favelas, il aura accès au pouvoir (comme secrétaire de l’éducation à la ville de Sao Paulo).
« Pédagogie de l’autonomie », œuvre incroyable qui devrait être lue et étudiée par tous les éducateurs, les enseignants, les travailleurs sociaux, les animateurs.
Freire a été un acteur éducatif et politique important au Brésil. Il a connu l’action, l’exil, la prison, le retour au pays, le pouvoir… Dans l’histoire récente, l’héritage de Paulo Freire a été rejeté plusieurs fois par les pouvoirs politiques brésiliens (d’obédiences conspiratrices et nationalistes) : « Assez de Paulo Freire », « extirper des écoles la philosophie de Paulo Freire ». Si l’héritage de Paulo Freire est insupportable aux régimes autoritaires alors soyons fiers, nous, de nous réclamer de toute l’œuvre pédagogique, sociale et politique de Paulo Freire.
Paulo Freire partira du postulat suivant : les valeurs des dominants sont assimilées par les populations dominées. Alors l’aliénation culturelle et politique justifie le statu quo et permet au système dominant de rester en place. Partir de cette prise de conscience, être conscient de l’aliénation, c’est ce que propose Paulo Freire avec une éducation émancipatrice, une éducation qui libère : une éducation « non bancaire », non traditionnelle pour et par les opprimé-e-s. L’éducation devient un pratique de la liberté, une pratique qui décode les rapports de domination, qui analyse les rapports sociaux à partir de la réalité des dominés, des opprimés, des plus pauvres, des femmes, des personnes racisées… Paulo Freire propose une libération du peuple par l’alphabétisation, la compréhension. La lutte pour supprimer les injustices apparait, alors, comme une nécessité. Ce qui importe c’est de modifier le type de relation que nous entretenons tous (opprimés comme oppresseurs avec l’autre et avec le monde.
Paulo Freire propose une vision humaniste et optimiste. Il reconnait la nécessité de l’être humain à lutter contre la réalité pour la transformer, pour l’améliorer. Nous (éducateurs) avons le devoir de préparer l’être humain à affronter le monde en faisant face au pragmatisme ambiant de la culture néolibérale. Nous devons proposer une méthode pour lutter contre le fatalisme néolibéral.
L’importance est de développer chez les opprimés l’envie d’apprendre et de devenir des êtres à part entière en partant du savoir tiré de l’expérience pour créer la vérité scientifique tout en ayant l’esprit critique. Cette approche est un fil conducteur vers l’autonomie et la libération des exclus, des dominés. Comme Freire, nous affirmons que la controverse est indispensable à la vie en communauté, mais elle doit se faire sur la base de l’éthique : c’est-à-dire sur le champ des idées, arguments contre arguments et non sur les ressentis personnels ou interpersonnels.
Paulo Freire travaillera autour des attitudes humaines, des postures de l’éducateur. Pour Freire le type de relation que l’on crée avec celle ou celui qu’on éduque est essentielle. Il parlera d’amour, de confiance, d’humilité, d’espérance. L’autre doit être considéré comme un sujet au même titre que soi et cela suppose de tenir compte de ses connaissances, de ses expériences et de sa vision du monde. L’acte pédagogique est un acte de relation et de dialogue, jamais il ne s’agit de consommer des idées, il faut en produire et il faut les transformer : « je ne peux penser pour les autres ni par les autres ni sans les autres ».